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Emile Zola

" L'Aurore "

13 janvier 1898. La grande imprimerie du journal L'Aurore est chauffée à blanc. Les becs de gaz sifflent. Georges Clémenceau, le directeur, vient voir si tout se passe bien. Il sait qu'il tient le plus grand " scoop " du siècle. Dehors les livreurs sont prêts.

Le coursier qui, il y a peu de temps encore, a apporté la copie, regarde Clémenceau, qui lui dit en souriant : " mon petit, tu vas   

voir ce que c'est, que le journalisme ". A cet instant, les premiers numéros sortent des presses.. Clémenceau en prend un. Un titre énorme (hénaurme, aurait dit Flaubert) crève la première page.

Deux mots, deux mots seulement qui vont bouleverser la France : " J' accuse...! "

L'exclamation est suivie de ces mots : Lettre au Président de la République, par Emile Zola. Deux mots, et voilà la justice en marche. Elle ne s'arrêtera pas.

Le plus grand écrivain français vivant, en descendant dans l'arène, vient de défier, une nouvelle fois, toute une société.

Après ses romans, machines à laminer les conventions, il met en branle une machine de guerre politique. Deux combats, une seule Vérité. Dreyfus sera sauvé et, avec lui, l'honneur de la France.E zola1 3

Le Paris du second empire

Le 2 Avril 1840, François Zola, italien d'origine vénitienne, marié en 1839 avec Françoise Aubertn , née en Ile-de-France, écrit sur son agenda " A onze heures est né le petit Emile-Edouard-Charles-Antoine, notre fils. Françoise est heureuse : comme son mari, âgé de 25 ans de plus qu'elle, elle souhaitait un garçon.

En 1847, son père meurt, laissant sa femme et son fils sans argent. A douze ans, Emile, boursier, quitte la pension Notre Dame pour l'austère collège Bourbon, aujourd'hui lycée Mignet. Il est en retard ( en septième à douze ans ), il est pauvre et il a, un très fort accent et un défaut de prononciation. Dire -tautillon- pour "saucisson", au temps des cruautés enfantines, ça ne pardonne pas.

Un de ses camarades est Paul Cézanne : deux génies en herbe, dont l'un va révolutionner la peinture et l'autre la littérature.

L'élève en retard devient excellent.

A 18 ans, il "monte" à Paris avec sa mère, s'inscrit au lycée Saint Louis, mais il échoue au baccalauréat. Commence alors, une vie de misère, il se sent condamner à la vie de bureau. Il piège des moineaux pour les faire rôtir, et pour se chauffer, s'enveloppe dans des couvertures : c'est ce qu'il appelle faire l'arabe.

Il parvient en 1862, à lutter contre cette vie très dure, lorsqu'il obtient sa naturalisation et qu'il entre chez Hachette comme manutentionnaire. 

En 1864, il présente chez Hetzel ses Contes à Ninon, le talent se voit davantage dans : La confession de Claude. Il démissionne de chez Hachette poure entrer à L'Evènement de Hippolyte de Villemessant, le futur patron du futur Figaro. Il innove en lançant une chronique bibliographique dont l'objectif est d'attirer les annonces publicitaires des Editeurs dont on parle. Zola apprend le métier.

Décidemment plus à l'aise dans le domaine littéraire, il revient au roman avec Les Mystères de Marseille, inspirés d'Eugène Sue. Et surtout en 1867, son premier vrai roman, et un des meilleurs, Thérèse Raquin. Cet attrait pour le présent, Les Rougon-Macquart en porte la trace. Zola est l'homme du "je-ici-maintenant".

A 30 ans il épouse le 31 Mai 1870 Gabrielle Meley, avec qui il vit depuis 6 ans. Elle restera pour lui, une compagne fidèle et dévouée. Parmi ses témoins ; Cézanne et Paul Alexis.

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Compagne fidèle et dévouée, épousée en 1870, Gabrielle-Alexandrine ne pouvait pas donner d'enfants à Zola.

Avec l'Assommoir, Zola connaît enfin la prospérité

Après l'écrasement de la Commune, il se consacre entièrement à sa grande fresque romanesque des ROUGON-MAQUART, cette famille descendant de fous et d'ivrognes qui va dévaster la littérature française. Il en a dressé l'arbre généalogique et vient de faire paraître le premier volume, La forture des Rougon.

Il fait paraître aussi : La Curée, Le Ventre de Paris, La Conquête de Plassans, La faute de l'Abbé Mouret...

Mallarmé s'enthousiasme pour La Faute " Un des plus beau poèmes que je connaisse ", ainsi que Maupassant. " Votre livre m'a absolument grisé et de plus fortement excité ." Désormais sa vie est toute entière, vouée à la rédaction de cette saga.

Il se promène ente Belleville et Montmartre pour écrire l'Assommoir. Il étudie, les physiques, les accents, le vocabulaire. Fidèle à sa technique publicitaire, il annonce avant la parution du livre, que la fameuse névrose ancestrale des Rougon y serait étudiée " dans ses manifestations perverses et morbides, surexcitées par l'alcool ." Le lecteur est alléché. Le livre paraît enfin, c'est un

" best-seller ". Mais il en choque pus d'un ! Ainsi Hugo écrit à Zola : " je ne veux pas qu'on donne (les misères) en spectacle. Vous n'en avez pas le droit, vous n'avez pas le droit de nudité sur le malheur." Et d'ajouter : " Après la malpropreté, il y a l'obscènité et j'entrevois un abîme, dont je ne puis sonder la profondeur."

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Avec l'Assommoir, Zola connaît enfin la prospérité. En 1877, il achète une maison de campagne, au bord de la Seine à Medan (il décidera de dire et d'écrire Médan qui sonne mieux).

 

Nana démarre dans le Voltaire le 16 octobre 1879. On ne parle plus que de ça à Paris. Beau compliment de Flaubert, " Nana tourne au mythe sans cesser d'être réelle. "

Le succès est fulgurant. Dans les cafés-concerts, on chante "Nanaturalisme" Et " la femme à papa. C'est Nana ".

Zola et ses amis regroupés à Médan, publient un recueil de Contes. Les soirées de Médan, sur la guerre de 1870. Le vainqueur de ce tournoi ! Maupassant avec son Boule de Suif.

En 1882 paraît Pot-Bouille, critique au vitriol de la petite bourgeoisie.(Période de mauvaise humeur de Zola).

Après Au Bonheur des Dames, Zola travaille à Germinal, qui va marquer l'entrée en force du prolétariat dans la littérature.

Il se brouille avec Cézanne lors de la parution de L'Oeuvre.

Cézanne a cru se reconnaître dans ce peintre en proie au doute. En 1885, Zola suit l'enterrement de Hugo. Il a 45 ans. Il enterre aussi sa jeunesse. Ensuite La Terre est un nouveau succès de scandale. Anatole France parle de " Géorgiques de la Crapule ", et ce n'est pas un compliment. De fait Zola a découpé au bistouri le mode de vie paysan.

Alors surgit un événement inattendu : à 48 ans, Zola tombe éperdument amoureux de sa lingère, Jeanne Rozerot, délicieuse jeune femme de 20 ans, qui va le faire rajeunir d'autant ! Il l'installe fin 1888 rue Saint-Lazare. Le 20 septembre 1889, elle accouche discrètement d'une fille, Denise. Zola est fou de joie. Sa femme qui a découvert le pot-aux-roses, essaie de rester digne. Elle a du mal. Pour s'occuper elle déménage avec son mari  rue de Bruxelles, dans un petit hôtel qu'elle décore avec un goût de bourgeoise blessée, désireuse de gagner en prestige ce qu'elle a perdu en conjugalisme.

Zola écrit Le Rêve, roman un peu éthéré qui satisfait les instincts moraux de sa jeune maîtresse qui, en littérature comme ailleurs, n'aime pas le langage trop vert.

Au cours d'un voyage consolateur qu'il fait avec sa femme, Zola apprend par le Figaro ( " Faisan bien arrivé " ) la naissance de son fils Jacques. Pourquoi cette ruse ? Parce que Madame Zola, qui ne savait que son mari était déjà papa, ne devait pas savoir qu'il l'était maintenant deux fois !Le jour où elle l'apprendra, elle implosera, puis se calmera. Elle aura ensuite avec les deux enfants de très bonnes relations. Zola ne pourra se plaindre de ses deux femmes.

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Dreyfus est jugé pour trahison, dégradé et déporté.

Le 15 octobre 1894, le capitaine Dreyfus a été en effet arrêté. Il est ensuite jugé pour trahison, condamné, dégradé, et déporté. Mais ses défenseurs eux, ne désarment pas. La France délire. D'un côté, les avaleurs de sabre et les mangeurs de curés ; de l'autre, les pourfendeurs de la racaille et les casseurs de juifs. D'abord prudent Zola s'informe. C'est un dossier comme un autre. Les dreyfusards l'assaillent de documents, qui le confortent dans son impression première : Dreyfus est innocent. On lui demande de défendre alors l'accusé. Il accepte. Signalons le principal traîte, le commandant, (et comte) Esterhasy d'origine hongroise, qui écrivait à une maîtresse un peu avant l'affaire : " je ne ferai pas de mal à un petit chien mais je ferai tué cent mille français avec plaisir ".

Quant il devient évident, fin 1987, qu'Esterhasy n'est pas le plus irréprochable des officiers français, il faut bien le faire passer en conseil de guerre. Huit clos évidemment, Zola qui a beaucoup oeuvré pour que ce procès ait lieu, est effaré par le jugement rendu : l'acquittement !. Il est clair alors pour tout le monde que le gouvernement, et le ministre de la guerre en particulier, refuse que la lumière se fasse sur l'affaire.

 

Nous sommes le 11 janvier 1898. Zola se met au travail. Le 13, paraît J'accuse avec cette phrase : " Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter Esterhasy, souffler suprême à toute vérité et à toute justice." L'Etat-major assigne Zola en justice. Merveille : en passant du militaire au civil, l'affaire a enfin une chance d'être traitée sérieusement. Au procès on lit à Esterhasy, cité comme témoin, des extraits de ses lettres... : il ne répond rien. A la fin de sa déposition, les officiers envahissent le prétoire pour...le féliciter !.

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Zola est condamné à un an de prison. Une liste de signatures éminentes dont : Maeterlink, Verhaeren, Aristide Briand, Jules Renard, André Gide, Léon Blum, Courteline, se prononcent pour la révision.

Zola se pourvoit en cassation pour vice juridique. Le 2 avril, l'arrêt est cassé. Tout est à refaire. Le 18  juillet, s'ouvre à Versailles le second procès de Zola. Cédant à ses amis, qui ne veulent pas le voir aller en prison, il se résoud à quitter Paris.

"le 18 juillet restera dans ma vie la date affreuse, celle ou j'ai saigné tout mon sang". Le 19, au matin il est à Londres. Triste période, pendant laquelle il écrit Fécondité.

Le 3 juin 1899, la cour de cassation annule le jugement de 1894 et renvoie Dreyfus devant le conseil de guerre. Le 5, Zola rentre en France. Il rencontre Dreyfus, officier conservateur et timide. Le Conseil de Guerre, le condamne alors à nouveau... avec circonstances atténuantes ! Le gouvernement veut l'amnistier, ce qui n'efface pas la " faute ". Dreyfus accepte, à la grande colère de ses amis.

En 1903, il changera d'avis, se fera exclure de l'amnistie et sera enfin innocenté et réintégré dans l'armée en 1904. Exit Dreyfus

Zola n'aura pas assisté au triomphe de sa cause dans la nuit du 28 au 29 septembre 1902, il est asphyxié avec sa femme par des émanations de gaz carbonique venant de la cheminée.

Au matin on enfonce la porte et on trouve l'écrivain mort, sa femme évanouie.

On parle d'assassinat, on enquête. Le 18 octobre , on fait tomber de la cheminée une quantité de suie "absolument anormale par rapport au dernier ramonage" Quelqu'un a-t-il bouché la cheminée le 28 au soir pour la déboucher le lendemain matin ? Peut être : Zola avait soulevé contre lui d'effroyables haines.

L'Enquête conclue à l'accident sans malveillance : la plainte contre X est levée.

Le lendemain de la mort de Zola, La Libre Parole titre avec cynisme : " un fait divers naturaliste : Zola asphyxié ".

Pendant les obsèques la foule afflue. Beaucoup crient : " Germinal ! Germinal ! Germinal ! ".

Six ans après, en juin 1908, le corps est transporté du cimetière Montmartre au Panthéon. Il y a là le Président de la République, Fallières, le Président du Conseil Georges Clémenceau et tous les ministres.

Biographie

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 1840 - Né le 2 Avril à Paris

1843 - Installation à Aix-en-Provence.

1847 - Mort de son père.

1859 - Echoue au Baccalauréat.

1862 - Naturalisé Français. Entre chez Hachette.

1864 - Contes à Ninon. 1865 - La confession de Claude.

1866 - Devient journaliste.

1867 - Thérèse Raquin.

1870 - Epouse Gabrielle Meley.

1871 - La fortune des Rougon. 1872 - La curée. 1873 - Le ventre de Paris. 1874 - La conquête de Plassans.

1875 - Premières vacances d'été des Zola. La faute de l'abbé Mouret. 1876 - Son excellence Eugène Rougon.

1877 - Grand succès de l'Assommoir.

1878 - Achète la maison de Médan. Publie l'arbre généalogique des Rougon-Macquart  une page d'amour. 1880 - Nana.

1882 - Pot-Bouille. 1883 - Au bonheur des Dames. 1884 - La joie de vivre. 1885 - Germinal.

1886 - Brouille avec Cézanne. L'Oeuvre.

1888 - Rencontre Jeanne Rozerot.

1889 - Naissance de Denise, fille de Zola et de Jeanne Rozerot.

1890 - Se présente sans succès à l'Académie française. La bête humaine.

1891 - Naissance de Jacques, fils de Zola et Jeanne. Elu Président de la Société des gens de lettres.

1893 - Parution du dernier volume des Rougon, Le Docteur Pascal.

1894 - Voyage en Italie.

1897 - Campagne dans le Figaro, en faveur de Dreysfus.

1898 - J'accuse publié dans l'Aurore. S'exile en Angleterre.

1899 - Rentre en France.

1901 - Publie La vérité en marche, sur l'affaire Dreysfus.

1902 - Meurt accidentellement, le 29 Septembre.

1908 - Transfert des cendres de Zola au Panthéon.

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Date de dernière mise à jour : 11/01/2021

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