James Dean, l'adolescent de ce siècle

Ses premières années

James Dean enfant

 

Quoi  de plus simple et de plus tranquille dans les années 30 qu'un petit garçon bien propre, bien américain, et bien élevé au sein d'une famille modeste de l'Indiana ?

Mais quoi de plus compliqué et de plus agité aussi !

Ce petit garçon s'appelle James Byron de son prénom, Byron car la mère est éprise de poésie, de romantisme et de théâtre. C'est une curieuse petite femme au regard noir, dont la sensibilité va largement déborder sur ce petit bout d'homme dont elle vient d'accoucher le 8 Février 1931.

Le père est issu d'une famille de pionniers quakers, venu du Kentucky s'installer dans l'Indiana un bon siècle auparavant. Ilest aussi calme, lent et lourd que sa mère est vive, fine et rêveuse.

Alors, le petit James Byron Dean va devoir se débrouiller avec les contrastes. C'est un enfant fragile et comme tous les enfants fragiles, il a besoin du sein de sa mère. Si cette dernière avait vécu, peut-être serait-il resté à ses côtés, bénéficiant de cette tendresse et de cette protection qu'il recherchera inlassablement tout au long de sa courte vie d'adolescent.

Mais la mère va disparaître alors qu'il en a le plus besoin. En 1940, il a neuf ans, et la terrible épreuve l'atteint en plein coeur. En quelques semaines, sa mère est emportée par un cancer.

Finis les longues séances de musique, les petits théâtres de marionnettes qu'elle inventait pour lui, et les poèmes qu'elle lui glissait à l'oreille pour l'endormir.

Beaucoup plus tard, devenu James Dean, il dira de son drôle d'air penché, en dissimulant son regard de myope sous d'épaisses lunettes noires: " Ma mère est morte quand j'avais neuf ans... Qu'est-ce qu'elle attendait de moi ? Que je fasse tout par moi même ? " Il y a dans cette réflexion désabusée, et faussement ironique, tout le personnage qu'il est devenu: un enfant frappé par l'injustice la plus grande, celle d'être privé de sa mère.Il n'y en a pas d'autre à cet âge. Sans tomber dans la psychanalyse de bazar, il est évident que le petit garçon poetera désormais en lui le vide béant de cette racine brutalement arrachée.

Dans le train qui ramène le cercueil jusqu'au pays natal en Indiana, il est assis, raide et sage, le cheveu bien lisse, les yeux égarés, à côté de sa grand-mère. Il sait que dans le wagon voisin, le corps de sa mère morte est secoué par les mêmes grondements de la locomotive.

La famile Dean était arrivée en Californie depuis peu. La mère ne s'y plaisait pas, le fils non plus, et voilà qu'elle était morte, et voilà que ce train emportait un petit garçon désespéré vers une vie nouvelle.

Le père de Jimmy est mobilisé, sa mère est enterrée, il ne lui reste plus qu'à s'intégrer à l'existence de sa tante et de son oncle, à Fairmount une petite ville au centre de l'Indiana. Tout sera fait pour qu'il soit heureux dans la grande maison blanche, au milieu des moutons et des poules, entre le maïs et l'avoine...

Le petit poète va devenir fermier. L'enfant anémique et pâle va devenir un gamin de ferme, coriace et casse-cou. Peut-être cherche-t-il à se venger d'être seul. C'est en tout cas à partir de cette époque que le James Dean que nous connaissons se forge réellement. Intrépide sur sa vieille motocyclette offerte par son oncle, il joue les terreurs de la vitesse à travers les chemins de terre. Mais à l'école, il déclame, monte en scène, et remporte des médailles. Indiscutablement gâté par sa famille par sa famille d'adoption, dont il est un peu le centre d'attraction, le petit Jimmy est loin d'être malheureux, du moins sur le plan matériel. Mais il est orphelin, son père ne vient que très rarement lui rendre visite, et il devra bientôt céder la place, au foyer de sa tante, à un bébé nouveau venu. Le voici donc écarté à nouveau de l'amour qu'il réclame quotidiennement et inlassablement avec exigence. Que faire ? Il se lance dans le sport. Sa taille et sa minceur ne le désignent pas particulièrement aux performances athlétiques. Il deviendra pourtant un excellent joueur de baskett. Il pratique l'athlétisme, la course à pied, le base-ball, le saut à la perche, il s'impose régime et discipline avec une rigueur étonnante.

 

James dean assis moto

 

 

Moralement, il se réfugie dans l'amitié du pasteur de Fairmount, qui dirige l'église baptiste. C'est un homme étonnant pour un garçon de quinze ans: curieux de la vie, ancien militaire, glorieusement blessé à Cassino, mélomane, amateur de bons livres et aussi, malheureusement peut-être...de courses de voitures. C'est avec son ami pasteur que Jimmy Dean assistera à Indianapolis à sa première courses de bolides. Les voies de Dieu sont impénétrables. Six ans plus tard, il allait mourir de cette nouvelle passion, après avoir vécu de l'autre : le théâtre.

Voiture james dean

Le goût du théâtre lui venait indiscutablement de sa mère. Elle jouait pour lui autrefois des saynètes avec un Guignol, et Jimmy participait à l'action, il adorait changer de voix, imiter les personnages,et surtout attirer l'attention sur lui par tous les moyens, des plus dangereux aux plus sympathiques. Dangereuses, par exemple, les bagarres incessantes qu'il provoquait à l'école, tout en restant " la vedette " de sa classe.

Le théâtre

Sympathique, par contre cette façon qu'il eut un jour de sauter sur la scène pour attirer l'attention du public, en hurlant comme un loup de chasse. Adix-sept ans Jimmy Dean participe à plusieurs concours organisés par une " Association d'encouragement à l'art oratoire ." Il y donne un texte tiré des " Aventures de Monsieur Pickwick " de Dickens, intitulé " Le fou ". Son interprétation n'a rien de conventionnel. Au contraire de ses camarades, en costume et cravate, il apparaît en jean et tee-shirt, et s'applique à avoir l'air d'un fou... Le public compassé de la petite ville ne saisira pas bien la subtilité de son interprétation, et il n'obtiendra pas le 1er prix, loin de là, mais comme en sport, " l'essentiel est de participé ". Jimmy va quitter le monde son adolescence à la ferme, le pasteur, les camarades d'école, sa tante, son oncle et sa grand-mère, tout le jolie confort de la ferme de Fairmount.

Comme tout bon américain, il s'en va vers l'ouest, vers la Californie, dans l'intention d'y étudier sérieusement l'art dramatique. Ce qui n'est pas tout à fait le désir de son père, qu'il va retrouver à Santa Monica. Jimmy et son père n'ont pas véritablement d'atomes crochus. Le fait que ce dernier se soit remarié n'arrange sûrement pas les choses. Le fait qu'il veuille inscrire son fils au Santa Monica College, pour y apprendre le commerce, l'enseignement, et la culture physique, complique leurs rapports. Pourtant le jeune homme n'affronte pas son père, comme on aurait pu le craindre. D'ailleurs il est dur d'affronter un homme comme Winston Dean. Doux, réservé,, lent, tout le contraire d'un violent, le père tente de séduire le fils en lui offrant une Chevrolet, mais le fils fait semblant d'écouter les bons conseils, s'inscrit au Collège, et se dépêche de participer aux activités d'une petite troupe de théâtre locale. " Il ménage la chèvre le le chou" comme on dit...Pour avoir la paix, et faire plaisir à son père, il est  premier en gymnastique à la fin de sa première année de collège, cela fait, il quitte la ville et s'intègre à un club d'étudiants en art dramatique., l' "Ucla", où il obtiendra son premier vrai rôle dans " Macbeth ".On le juge mauvais, il s'en va, et gagne provisoirement sa vie dans les films publicitaires, puis il interprète le rôle de l'apôtre Jean dans une émission de télévision.

James dean2

Désormais le fauve est lâché dans Hollywood. Comme d'autres acteurs aux dents longues, Jimmy habite une petite chambre sous les toîts, se nourrit d'imprévus et de hot dogs, et court le cachet du matin au soir. Mais c'est un fauve solitaire. Il a un ami qui partage sa chambre, et une petite amie qui veut partager son coeur. Tout cela en apparence. En réalité James Dean est un garçon seul, et il quittera l'une et l'autre. Qui peu dire ce qu'il a dans la tête à vingt ans ...celui qui va devenir le symbole américain et même européen de l'adolescence bouillonnante des années 50, celui qui est encore et toujours le "héros" de la génération actuelle, une génération qui pourtant ne sait pas grand-chose de lui ?

Mais la magie est là. Quelle magie ? Celle des cheveux blonds, blonds et hérissés, celle du regard bleu impénétrable à force de rêve et de myopie...celle de la bouche sensuelle et mordante, de la démarche insolite, des gestes hésitants, magie diffuse et impalpable de l'adolescent aux allures d'androgyne, ou de chien battu, de héros malheureux en lutte perpétuelle avec une société qui ne lui plaît pas, mais dont il voudrait bien faire partie tout de même...

Trois films seulement vont entériner cette magie, et le porter aux nues d'un immense public, au grand étonnement des producteurs et des professionnels du cinéma américain. Toutes les thèses du monde à ce sujet n'y peuvent rien. Certes, la mort a édifié le mythe. Cette mort brutale, violente, en pleine vitesse, à vingt-cinq ans, fera de James Dean une sorte d'ange arrêté en plein vol, en qui toute la jeunesse des années 50 va se reconnaître.

Son premier film, a " l'est d'Eden " permet à James Dean, sous le direction d'Elia Kazan, une performance remarquable. Mais il ne s'agit pas de miracle, ou de simple chance, ou de rencontre inespérée  entre l'acteur et le personnage qu'il incarne. Il y a beaucoup plus. Et il faut rendre à James Dean, l'acteur, ce qui lui appartient en propre.

Sous des apparences de nonchalance, de non-conformisme, voir de maniérisme, comme diront certains critiques il y a un travail profond. En quittant la Californie, ou il se sent mal à l'aise au milieu de la jeunesse dorée, le comédien débutant est attiré la la fameuse école New-yorkaise révolutionnaire de l'Actor's Studio. Il ne fréquentera le Stdio que fort peu, mais suffisamment pour s'imprégner des nouvelles méthodes de travail offertes aux acteurs.

Finies les grimaces classiques et les sourires couleur bonbon des stars hollywoodiennes. A l'Actor's Studio, on apprend à jouer avec son corps, avec ses dents, avec ses nerfs, à utiliser l'observation des autres, la concentration sur un personnage, on apprend à devenir celui ou celle que l'on veut incarner. Si l'on veut jouer comme un rat, ou un renard, comme un chat ou une grenouille, il faut apprendre. Si l'on veut être un balayeur des rues,un gros bourgeois, un alcoolique ou un dévoyé, il faut apprendre. Fouiller, deviner, creuser physiquement dans tout son être, pour en extirper la moelle essentielle. Jimmy a vite compris. Toutes ses biographies racontent la scène qu'il présenta à l'Actor's Studio pour y être admis.

La scène avait été écrite par Christine White, une jeune actrice blonde, désireuse elle aussi d'entrer dans le saints des saints du cinéma New-yorkais. Elle y incarnait une petite fille du Sud trés frivole et très snob. Son partenaire, un intellectuel brouillon. Tout deux devant se rencontrer sur une plage et sous les étoiles.

James Dean est mort de tract ce jour-là, l a bu de la bière pour se donner du courage et, sans lunettes, il ne voit même pas à deux mètres de lui. Ce devrait être un fiasco,,c'est une réussite. Il se tient dans l'ombre au début de la scène, et se tait. Déconcertée sa partenaire avance en pleine lumière et attend elle aussi, dans le silence la pièce, sans le regarder. Alors Jimmy dit : "Salut", ce qui n'état pas dans le texte, et rit, ce qui n'était pas prévu non plus.

Pour le reste sa diction est parfaite, et sur cent cinquante candidats, Jimmy et Christine seront les seuls sélectionnés. Peut-être à cause de cet imprévu qu'il mettra toujours dans son jeu, comme un vieux comédien retorspeut se le permettre après des années de carrière, en "tirant la couverture à lui" et en obligeant le spectateur à ne regarder que dans sa direction dès les premières secondes. C'est un art que James Dean va cultiver à outrance jusque dans la vie, et que certains de ses proches jugeront insupportable. Mais c'est aussi une preuve de talent, et un besoin de participer à la mise en scène, de fabriquer son personnage, de lui apporter l'insolite, le vivant, le naturel déconcertant non prévu au scénario.

Tout ira bien pour James Dean en ce domaine durant le tournage de  " A l'est d'Eden ", avec Kazan. Tout ira bien aussi dans " La fureur de vivre " de Nicolas Ray, mais tout ira moins bien dans " Géant " de Georges Stevens. A l'inverse des deux précédents qui ont laissé à Dean la bride sur le cou,Georges Stevens est un réalisateur autoritaire et méticuleux, qui estime que son scénario et ses personnages définitivement construits avant le tournage. Les acteurs n'ont qu'à s'y installer et suivre ses ordres...

 

Dans " Géant " Elisabeth Taylor et Rock Hudson sont de vieux professionnels du cinéma, parfaitement obéissants, et quelque peu guindés dans leur éternelle beauté. James Dean apporte, lui, malgré l'intransigeance de Stevens, un souffle dérangeant. A plusieurs reprises, Stevens refusera de l'écouter sur certains détails. Plus tard, il reconnaîtra lui-même avoir eu tort..

 

 

C' est en 1955, l'année de sa mort, que le premier film de James Dean " A l'est d'Eden " est projeté à New York. Il n'assistera pas à cette représentation. Déteste-t-il la publicité ? oui et non. En réalité, il n'aime vraiment que la publicité fabriquée par lui-même. A base de non conformisme, de révolte et de bizarrerie. Refuser les bravos du public New-yorkais pour un premier rôle aussi important est une manière comme une autre d'intriguer les journalistes et le public. Mais peut-être avait-il peur au fond. Peut-être était-il vraiment ce garçon terrorisé par la vie et la Société. qui n'arrive à la combattre et à lui tenir tête qu'en faisant mine de fuir... Dans ce film, il interprète le rôle de Cal, un fils rebelle à la recherche de l'amour d'une mère disparue et de la reconnaissance d'un père autoritaire et hypocrite. Son jeu est bouleversant, dérangeant, toujours à contre-pied. Ce personnage d'adolescent, maladroit et hyper-sensible, lui convient tellement, il en a tellement les gestes, le corps, les attitudes, jusqu'aux silences têtus et désespérés, que de quinze à vingt-cinq ans, tous les jeunes s'y retrouvent, quels qu'ils soient. Le succès est tel, dès la sortie du film, que les plus redoutables critiques hollywoodiens sont obligés de s'incliner. Certains en maugréant, certains en s'enthousiasmant, mais la gloire est à ses pieds et, en quelques mois, un nouveau dieu de l'écran est consacré. 

Comment James Dean a-t-il vécu ce succès foudroyant ? Apparemment en conservant la tête froide, mais en exagérant son personnage de " jeune monstre " pour la presse, en cultivant soigneusement la désinvolture, parfois à la limite de la grossièreté, en s'engageant beaucoup plus qu'il n'aurait fallu dans le jeu dangereux de l'identification à l'image qu'il avait donné de lui même. Pour un être fragile comme lui, c'était presque de l'autodestruction.

A cette époque il rencontre Pier Angeli, une jeune actrice italienne dont la carrière s'annonce prometteuse à Hollywood. Elle est le type même de la jeune fille sage, au visage de madone, et leur liaison ne durera qu'un seul été. Aimer une femme, c'est difficile pour James Dean.

Aimer une femme, quand on a toujours chercher sa mère, est de toute façon très difficile. Leurs amours seront enfantines et passionnées, romantiques et sans espoir. La famille de la jeune fille,très catholique, n'apprécie guère le jeune acteur aux allures de voyou, et, un jour, ils se quittent,elle, en pleurant, lui, en claquant les portes, mais elle ne l'oubliera jamais, et il semble que lui non plus.

Peut-être furent-t-ils les Roméo et Juliette de ce temps-là. A hollywood, les romances entre acteurs sont toujours un mystère, et nul ne sait d'où elles surgissent réellement. Rencontre fortuite, publicité, attirance réelle, tout se mêle et se dégrade, et il faut, pour y résister, la solide personnalité à toute épreuve de quelques rares acteurs, que l'on peut compter sur les doigts d'une main.

James Dean eut aussi la tendresse amicale de Nathalie Wood, tragiquement disparue, elle aussi, à quarante ans, et qui fut son inoubliable partenaire dans " La Fureur de vivre."

Il fréquenta incidemment et tapageusement Ursula Andress, et on le vit parfois au bras de quelques actrices en renom. Mais personne ne peut dire quelle place tenaient réellement les femmes dans sa vie. Certains biographes, ou dits comme tels, ont avancé à ce propos une homosexualité latente. Mais le héros gardera son secret, car...ce n'est pas ce secret qui nous intéresse...

Ce qui fascinera ses amis de son vivant, et plus tard ceux qui se penchèrent sur le mythe James Dean, c'est l'extraordinaire lucidité de ce garçon tourmenté. Un jour il dira : je ne vivrai pas jusqu'à trente ans.Il voulait en tout cas vivre vite. Toujours pressé et impatient de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux centres d'intérêt, de nouvelles passions ( il lit plusieurs livres à la fois ), il mène une existence au triple galop, comme s'il savait que la mort le guette à vingt-cinq ans, sur une autoroute, en pleine vitesse, en pleine gloire.

Que n'aura-t-il pas tenté dans sa courte existence ? La spsychanalyse ne le satisfait pas, il croyait trouver une réponse à son mal de vivre dont il avait fait une partie de son talent. Un jour il sculpta une statuette, celle d'un homme assis, jambes croisées, une main sur le coeur, l'autre soutenant un front pesant. Il la baptisa " Ego ", et déclara : " C'est mon autre moi-même. "

Une autre fois, il se fit photographier dans un cercueil, pour le très sérieux magazine Life, qui n'osa pas publier le reportage. Etait-il suicidaire ? Aimait-il flirter avec la mort ? Son goût pour les bolides et la vitesse, était-il la recherche insconciente de sa destruction ?

James dean dans cercueil

       Il vient de terminer le tournage de "Géant", une superproduction de la Warner, qui pour la première fois le hisse au firmament des étoiles consacrées par Hollywood. C'est un rêve de voir enfin son nom apparaître sur les affiches à la même place que celui de deux grandes stars comme Liz Taylor et Rock Hudson.

Ce rêve, le petit Jimmy l'avait souvent fait. Il a laissé sa marque sur deux premiers films, moins coûteux, et moins populaires, mais sans aucun doute plus intéressants. " A l'est d'Eden " et " La fureur de vivre " sont devenus des classiques, bien que tournés à l'époque sans grand budget, et par des réalisateurs un peu marginaux.

"Géant" a été une épreuve pénible pour lui, car il a dû affronté pour la première fois la lourde mécanique des superproductions, où l'acteur disparaît quasiment au bénéfice de la technique. Frustré, il n'a pu donner à son personnage tout ce qu'il avait en lui. Il s'est mal entendu avec Rock Hudson qui l'a immédiatement et cordialement détesté. Il s'est accroché avec Georges Stevens, le metteur en scène, dont il n'a pas supporté l'autoritarisme et un certain dédain pour les acteurs... Il a erré dans le désert du Texas durant des semaines et, comble de misère, les producteurs lui ont interdit de courir à Palm Springs, craignant un accident qui retarderait le tournage.

Le film à peine terminé, il a décidé de se livrer à sa passion. Une course le tente à Salinas. Il s'y inscrit, fait peindre sur sa porsche neuve le n° 130, et, le mardi 28 septembre, deux jours avant l'épreuve, il quitte Los Angeles, au volant de son bolide, pour Salinas.

Le lendemain, il est sanctionné par un agent de la police routière, pour excès de vitesse. Il continue sa route, sans pour autant réduire l'allure, et à 17 h 30, au crépuscule, alors que le soleil n'est qu'une boule rouge et flamboyante dans l'axe de l'autoroute 466 et de la 41. Il est 17 h 45. Une conduite intérieur Ford arrive dans le sens opposé, et s'apprête à tourner à gauche. James Dean a le temps de dire à son passager: " Ce type va nous voir, il va s'arrêter."

Mais le conducteur de la Ford, un jeune étudiant de 23 ans, n'a pas vu arriver le bolide. Il sera éjecté de sa voiture, le passager de la Porsche également. Le choc est épouvantable, la belle voiture de course tordue et disloquée, garde à son volant le météore du cinéma des années 50.

James Dean a la nuque brisée, il est mort instantanément, sans avoir pu donner le moindre coup de frein ou de volant. Comme s'il allait mourir tout droit et seul.J dean accident

      Que dirent de lui ceux qui l'approchèrent de près ?

Elia Kazan pour " A l'est d'Eden " : " Un jour, vous entrez dans un bureau de la Warner, et un loup est assis sur la banquette. Tel était Dean."

Nicolas Ray pour la " Fureur de vivre ": Jimmy était fasciné par la tauromachie. Il y avait le rituel, l'épreuve d'endurance, que ne peut fuir le matador, le défi à l'affirmation de soit même, et il y avait la grâce physique. Il aimait le jazz, la musique africaine et classique, de Brubeck à Berlioz. Il aimait la vitesse...Il avait, lui une réplique instantanée au rytme de la vie : le frémissement d'une muleta de matador, les percussions insistantes d'une danse africaine, la tension d'une course à grande vitesse. Il s'abandonnait à ces expériences comme à de magiques promesses d'un monde nouveau."

Georges Stevens pour " Géant ": il n'est pas un moment de Jimmy que je n'aime, pas un moment dont la séduction s'allie à un parfait naturel. Peut-être est-ce sa manière de se faufiler obliquement derrière quelqu'un, le menton penché en avant, puis de cligner de l'oeil en marmonnant bonjour. Peut-être la façon dont il laisse éclater un sourire d'enfant tout en continaunt à parler et sans perdree un iota de sa puissance d'expression, violer tous les principes dramatiques et jouer constamment, le dos tourné à la caméra..."

Quant à François Truffaut, dans son texte sur James Dean pour Arts en 1956, il écrivait en technicien amoureux de l'auteur : " Le jeu de James Dean contredit 50 ans de cinéma, chaque geste, chaque attitude, chaque mimique, sont une gifle à la tradition psychologique..." et encore : " il décale l'expression de la chose exprimée, comme par sublime pudeur un grand esprit prononcera de fortes paroles sur un ton humble, comme pour s'excuser d'avoir du génie, pour ne pas importuner autrui."

 

     On ne saurait mieux dire sur James Dean, mort peut-être là aussi, d'une drôle de manière décalée... comme pour s'excuser d'avoir vécu.

 

FIN

 

Date de dernière mise à jour : 06/01/2021

3 votes. Moyenne 1.7 sur 5.
×