Paul Bern avait la quarantaine, il était petit, fade, mais courtois et intelligent. Bon metteur en scène, il faisait partie de la célèbre Metro Goldwyn Mayer de puis 1930 et on ne lui connaissait ni maîtresse à scandale ni ennemi dans la profession, ce qui est rare. La MGM venait de racheter le contrat de Jean Harlow à Hugues et, à vingt et un ans, l'actrice était en pleine gloire. Paul Bern ne l'avait rencontré que deux fois. La troisième fois, il l'a demandé en mariage et Jean réveilla son agent à trois heures du matin pour lui annoncer la nouvelle, elle allait épouser Paul Bern !
Quel étrange choix venait-elle de faire ? Pourquoi lui ? Alors qu'elle dansait avec Clark Gable et fréquentait les plus " mâles " d'Hollywood ? Pourquoi ce petit homme laid de vingt ans plus âgé qu'elle ?
" Parce que dit-elle à son fidèle agent Arthur Landau, il me respecte et me parle comme à une femme intelligente Parce qu'il est doux, romantique et ne m'a pas demandé le premier soir, de partager son lit.
Ce mariage qui déconcertait le monde du cinéma n'était pas pour plaire à Mama Jean ni à Marino Bello qui se voyaient évincés, Jean ayant décidé d'habiter la maison de son nouvel époux. Voulait-elle fuir, comme à seize ans ? Ce mariage était-il une fois de plus sa manière à elle de se débarrasser des adultes?
Nuit du 2 au 3 juilllet 1932. Nuit de noces. Il est quatre heure du matin, et Jean sanglote au téléphone. Elle vient d'appeler son agent :
-Venez me chercher, je vous en supplie,,,dépêchez-vous, j'ai peur qu'il ne se réveille.
Elle est en peignoir dans la rue, grelottante de froid, de peur et de souffrance. Son dos est marqué de cinq longues zébrures à vif, allant des hanches aux omoplates. Des gouttes de sang perlent sur ses reins, elle a les yeux écarquillés par la douleur.
Après l'avoir soignée et réconfortée de leur mieux, Arthur Landau et sa femme cherchent à comprendre. C'est simple, effrayant, monstrueux et Hollywood ne doit pas savoir, la MGM ne doit pas savoir, les journau, le public, personne... Une histoire pareille risque de briser la carrière de Jean, d'éclabousser les studios, et de mettre dans une colère noire le patron de la MGM, Mayer lui-même, qui a tout fait pour que ce mariage ait l'air normal, allant jusqu'à gonfler la publicité de Paul Bern à outrance.
Or le malheureux Paul Bern est incapable d'épouser qui que ce soit. Il le sait. Il a voulu pour lui la femme la plus éclatante d'Amérique, le sex-symbol le plus érotique de ce temps, et il est impuissant ! Pris d'une crise de folie et de désespoir, ivre d'alcool et de peur, il a battu Jean...se vengeant sur elle de cette impuissance, et se vengeant cruellement. Outre les blessures superficielles, qu'un médecin discret s'emploie à faire disparaître, Jean a reçu un mauvais coup sur les reins. Craignant une lésion interne, le médecin la supplie de faire faire des radios mais, terrorisée à l'idée que la moindre indiscrétion puisse révéler l'affaire à la Presse, Jean refuse. C'est d'une grande imprudence, car elle ne cessera de souffrir de cette lésion qui, en s'aggravant peu à peu, et en se compliquant d'une faiblesse rénale, va la conduire à la mort.
Peut-on dire que Paul Bern à contribué à tuer Jean Harlow ? On le peut. Qu'a-t-il dit pour se défendre ? " Avec Jean tous les hommes sont capables d'amour. Tous, sauf moi. Suis-je maudit ? "
Quelques temps plus tard, il se tire une balle dans la tête, laissant à Jean se petit mot : " C'est malheureusement le seul moyen de racheter le tord affreux que je vous ai fait, et d' éffacer mon abjecte façon de vous avoir humiliée.Vous comprenez que ce qui s'est passé hier soir n'était qu'une comédie. Paul.
Cette fois, il s'est tué, seul, nu devant une glace de leur appartement. Le scandale devient impossible à étouffer. Jean va souffrir jusqu'à la fin de sa carrière, et souffrir aussi d'un remord terrible, celui d'avoir ricané devant ce malheureux la veille de son suicide, et peut-être de l'avoir poussé à bout. Mais il est des situations impossibles à vivre. Maintenir ce mariage factice pour la galerie de Hollywood, alors qu'elle se sentait humiliée et malheureuse, elle, la plus belle femme du cinéma mondial... C'était au-dessus de ses forces. Etrange contradiction que celle de représenter l'amour pour le public, et de ne pas le vivre...pire encore, d'en vivre le simulacre le plus grotesque.
Soutenue par deux amis, Jean aux obsèques de Paul Bern, son second mari
A part Arthur Landau, son agent,qui lui serre à la fois de père, de frère, d'ami, de confident et de spychiatre...personne à Hollywood n'aide Jean Harlow à supporter ce nouveau coup du sort. Et surtout pas la MGM, personne n'est tendre dans cette jungle du cinéma américain. "Marche ou crève" est la devise non dite, mais impérative.
Jean est au bord de la dépression nerveuse, à nouveau envahie par sa mère et son Italien d'époux, prise au piège, contrainte de faire face aux journalistes, aux policiers, et d'assumer seule, de nouveaux mensonges, car il n'est pas question de raconter son désespoir, pas question de laisser échapper une parcelle de vérité, le métier continue, les films s'enchaînent, il faut sourire, être belle, sexy, continuer à débiter des phrases toute faites, soigneusement apprises par coeur pour les interviews, du genre : " Miss Marlow, portez-vous un soutien-gorge aujourd'hui ?, réponse: " Voilà bien une question de myope ! "
Ces réparties sont écrites par des scribouillards de la MGM, spécialement chargés de ce travail pour les stars comme elle. Comment ne pas se sentir une marionnette inutile, à force d'être manipulée ainsi jusque dans les moindres activités de la vie. La vie qui n'est jamais que celle des studios, du matin au soir et du soir au matin. Jean porte les robes et les fourrures de la Production, sa voiture et son chauffeur sont ceux de la production: elle ne peut rien faire, rien dire, rien penser qui n'est été décidé par son agent ou la MGM.
Alors on comprend la rage d'exister qui la prend un jour comme une envie de mordre ; qui lui fait couper sa fabuleuse crinière blonde, se cacher sous une perruque noire, des lunettes, et un grand chapeau, pour aller chercher l'aventure, la nuit, dans les bars de Los Angeles ou d'ailleurs.
Quelque chose à craqué dans tête et dans son coeur. Elle a dit à Arthur Landau:
-Trouvez moi un homme ! je veux être aimée, je veux savoir ce que c'est, je veux avoir un homme dans mon lit, et un enfant ".
Arthur l'a sermonnée, Mama Jean a prié et pleuré que " son bébé blond " devenait folle, Marino Bello a ricané sous sa moustache de séducteur... et Jean s'est enfuie. Des nuits entières, elle a erré à la recherche d'amants anonymes, auprès de qui elle ne serait pas la célèbre Jean Harlow, mais une simple fille, un peu facile, une rencontre d'un soir. Pauvre Jean ! sa fureur de vouloir un enfant, d'exister en tant que femme ne pouvait même pas se réaliser.
Stérile ! C'est le verdict d'un médecin, qui en profite pour lui conseiller de faire radiographier ses reins, car elle souffre d'une incontinence pénible que tous ses proches ont remarquée. Mais Jean ne veut rien entendre de la maladie, ni de la souffrance. Elle est capable d'encaisser moralement et physiquement bien plus que la plupart des femmes. A force d'accumuler les épreuves, les humiliations et les colères, elle s'est endurcie. Son agent désespère, de voir un jour débarrassée de son encombrante famille de vampires qui lui suce le sang, les nerfs et le compte en banque sans relâche...